Le billet de la semaine : OU VA LE GICAM AVEC LE COUP DE FORCE « ELECTORAL » DE CELESTIN TAWAMBA ?

Depuis mardi dernier, il n’y a plus dans les médias et les réseaux sociaux que pour le président sortant du Gicam. C’est à qui lui tisserait le plus de louanges pour sa victoire éclatante lors de ‘assemblée générale du 11 juillet dernier, qui lui a donné le dessus dans le bras de fer qui l’oppose à une frange des membres de sa corporation à propos du projet de fusion Gicam-Ecam qu’il défend acharnement depuis quelques mois. Mais il y a belle lurette qu’au Cameroun on a appris à se méfier des « victoires écrasantes », surtout lorsqu’elles consacrent des élections organisées par l’une des parties en compétition. Et l’équipe Tawamba n’a pas dérogé à la règle. Elle a tout fait pour préparer sa victoire qu’on sentait d’ailleurs venir.

D’abord, en s’arrogeant le droit d’interpréter les statuts du Gicam à sa manière, au point d’ignorer les avis a lui signifiés par deux fois par le Comité des sages, l’organe suprême de la corporation au regard de ses statuts. Dans son rôle de gardien du temple, ce comité lui recommandait de suspendre le processus de fusion en attendant un nouvel examen afin d’aplanir les malentendus. En ignorant ses avis, Célestin Tawamba s’est définitivement aliéné le soutien d’un certain nombre de membres du Gicam, parmi les plus influent de la corporation, et les a poussés à boycotter l’assemblée générale du 11 juillet 2023, réduisant du même coup sa portée puisqu’elle était privée de la caution morale de la plupart de ceux que se présentaient comme des sages.

Ensuite, comme quelqu’un que nous connaissons bien chez nous et qui semble être son modèle, il s’est arrangé à réduire le corps électoral a la taille de ses appuis, au point que sur environ 1000 membres que compte le Gicam, moins de 400 ont participé au vote. Il a ainsi réussi l’exploit de mettre plus de 2/3 de membres hors du jeu électoral. Il ne lui restait plus finalement qu’à fidéliser à la « camerounaise » sa cohorte de sympathisants pour s’assurer une victoire à la stalinienne.

Pourtant, sauf si son ambition l’aveugle au point qu’il ne voit plus les réalités, tous les observateurs avertis s’accordent pour dire qu’il s’agit en réalité d’une victoire à la Pyrrhus, obtenue au forceps, dont le seul avantage qu’il en tire pour l’instant d’éloigner les nombreux de vents contraires qui pointent à l’horizon et constituent autant d’Épées de Damoclès sur sa tête et celle du Gicam. Cette victoire pourra même en fin de compte n’être un chant cygne, annonciateur de la mort au propre comme au figuré de cette honorable institution qui a tant marqué l’histoire économique du Cameroun depuis 1952.

La première incertitude tient à l’issue des procédures judiciaires engagées par ses adversaires qui prônent une fusion-absorption en lieu et place de la fusion-création qu’il defend. En effet, bien que l’audience en référé d’heure en heure du 10 juillet 2023 ait finalement débouché sur un renvoi, deux autres procédures initiées au TGI pour contrer la fusion Gicam-Ecam, ont été renvoyées au 14 août prochain. Il s’agit de la procédure en annulation du traité de fusion signé le 5 avril 2023, et de celle visant à obtenir du tribunal une décision interdisant à messieurs Célestin Tawamba et Protais Ayangma de poser des actes en exécution du traité de fusion. Personne ne peut pour l’instant préjuger de leur issue. Mais quelle qu’elle soit, elle ne pourra que radicaliser les positions et engager le Gicam ou la nouvelle organisation qui va la remplacer vers un avenir incertain.

La deuxième incertitude, c’est la réaction de la majorité silencieuse qu’il a mise à l’écart de son processus comme démontré ci-dessus, dans laquelle on retrouve pèle mêle de nombreux poids lourds de l’économie nationale, les adversaires déclarés à son projet de fusion, regroupés autour d’Emmanuel Wafo, et qui ont eu 86 voix, soit 23% du corps électoral, sans oublier ceux qui proposent une refondation du Gicam, regroupés autour du jeune avocat Jacques Jonathan Nyem, ancien porte-parole de l’organisation, demi de ses fonction le lendemain du vote pour s’être opposé à son projet de fusion.

Comment réagira tout ce beau monde face au coup de force de leur président au cas où celui-ci ne lâche pas du lest et persiste dans sa fuite en avant? C’est d’ailleurs cette hypothèse qui se profile à l’horizon puisque le président du Gicam se refuse jusqu’ici, autant vis-à-vis de l’opinion publique que des membres du Gicam, à répondre a quelques questions essentielles comme par exemple les suivantes : Quel est le contenu réel de l’accord de fusion, les dits et les non-dits? Ensuite, s’il existe une certaine transparence sur le nombre de membres du Gicam, ce n’est pas la même chose pour Ecam, qui officiellement ne regroupe que de Pme/Pmi. Combien sont-elles et que représentent-elles sur l’échiquier économique du pays, au point de se voir gratifier du privilège d’une fusion-création avec le Gicam, dont toures ou presque, pèsent moins que la valeur du siège de cette dernière? Ailleurs dans des cas d’espèce, c’est généralement le plus grand qui absorbe le plus petit!

Les réponses à toutes ces questions sont fondamentales. Dans tous les pays du monde a économie libérale, les principales organisations patronales regroupent généralement les plus grandes entreprises dont le poids est évalué en investissements réalisés, en chiffre d’affaires annuel et en volume d’impôts qu’elles versent au trésor public. Un poids qui leur permet de traiter d’égal à égal avec les pouvoirs publics dans l’animation de la politique économique du pays. Le Cameroun ne déroge pas à cette règle. C’est dans cette logique que jusqu’ici, le Gicam était le partenaire privilégié du gouvernement a l’opposé des Mecam et autres Ecam qui avaient peu d’arguments. Toujours dans ces pays qui nous servent souvent de modèles, les plus petites Pme/Pmi, pour bien se faire entendre, préfèrent se regrouper dans des organisations propres, de manière à bien se concentrer sur leurs problèmes spécifiques et à les défendre efficacement face à l’Etat ( ministère en charge des Petites et Moyennes Entreprise) ou face aux grandes entreprises avec lesquelles elles peuvent même négocier des partenariats. Rarement, surtout pour les plus petites, elles se laissent noyées dans les grandes corporations. Comment Célestin Tawamba et les siens vont-ils gérer une telle cohabitation dans leur nouvelle organisation, entre des mastodontes comme Sabc, Cdc, Alucam, Afriland, les groupes Foyou, Kadji ou Noutchogouin, avec la cohorte de petites Pme/Pmi qui meublent Ecam et dont certaines n’ont pour bureaux que les sacoches a main de leurs dirigeants ? De quoi un tel monde peut discuter ensemble, si ce n’est des banalités? N’aurait-il pas été plus judicieux de signer un partenariat de collaboration et d’assistance entre le Gicam et Ecam?

Ce sont là des réalités froides, qui nous conduisent à conseiller au Président Tawamba et les siens de rentrer sur terre et de considérer leur victoire du 11 juillet 2023 comme une simple occasion de renforcer leur position dans la perspective des pourparlers qu’ils vont être obligés de reprendre pour trouver une issue raisonnable a un bras de fer dont l’issue ne peut être que destructeur autant pour eux que pour le mouvement patronal dans notre pays dont l’éclatement du Gicam contraindra à repartir a zéro. Ce que nous ne souhaitons pas, parce que chaque fois qu’on repart à zéro, on perd toujours quelques plumes et repères.

 

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