L’internet qui fait tant de progrès en Afrique de nos jours continue de piétiner au Cameroun. En effet, ces dernières années, la pénétration des nouvelles technologies de l’information et de la télécommunication a fait progrès fulgurants dans certains pays africains comme l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Rwanda par exemple, au point de soulever de grands espoirs pour l’avenir du continent dont 40 % des habitants vivent toujours sous le seuil de pauvreté. « La technologie et l’innovation sont centrales pour libérer le vaste potentiel de l’Afrique », déclarait récemment le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
La transformation technologique a commencé à se matérialiser avec la diffusion rapide des téléphones mobiles au cours des quinze dernières années. Fin 2018, selon la GSMA, une association internationale d’opérateurs et de constructeurs de téléphones cellulaires, l’Afrique subsaharienne comptait 456 millions d’abonnés mobiles uniques, soit un taux de pénétration de 44 %. Au Cameroun en 2022, on compte 21,69 millions d’abonnés. La croissance du marché dans notre pays est par conséquent l’une des plus forte en Afrique et le monde. L’équipement en smartphones se développe à grande vitesse, particulièrement en milieu jeune.
De nombreux services dans le privé ont prospéré sur cette innovation. C’est le cas du paiement mobile, lancé en 2007 au Kenya et qui a, depuis, essaimé à travers le continent. Selon la BEAC, le nombre de comptes de paiement mobile au Cameroun est passé de 3,7 millions en 2015 à 12,8 millions en 2020, soit une progression de 246%.
Pourtant, l’optimisme doit être nuancé, ne serait-ce que pour des questions d’accès au numérique. Manque de couverture réseau, coût élevé des abonnements, faiblesse des compétences alphabétiques indispensables à l’utilisation d’Internet… Les freins sont nombreux. Plus globalement, le déficit d’infrastructures physiques ne pourra jamais être compensé par le numérique uniquement. Construire des routes, des ponts, des voies ferrées et des centrales électriques doit demeurer une priorité, pour les gouvernements comme pour les bailleurs de fonds internationaux.
Plus grave, dans le secteur public, on a l’impression que quelque chose quelque part bloque cette progression. Ainsi dans des domaines cruciaux comme l’éducation, la santé, l’identification des populations, la gestion du budget et du personnel de l’Etat par exemple les progrès sont tellement faibles qu’on peut parler d’une évolution a deux dimensions au Cameroun. De nombreux observateurs continuent à se demander pourquoi dans ces deux derniers secteurs qui ont été les premiers à bénéficier de l’informatisation dès les années soixante, les progrès sont tellement faibles que l’Etat n’arrive toujours pas rationaliser ni sa gestion budgétaire ni celle de son personnel ? Comment l’identification des citoyens aussi bien au niveau des mairies que de la justice ou des services de police, continue à connaitre tant de difficultés ? Comment malgré les progrès du numérique, l’Etat n’arrive pas à recenser régulièrement sa population ou à établir un fichier électoral fiable ?
Le même questionnement est aussi valable pour le secteur privé ou malgré les progrès précédemment on peut toujours se demander pourquoi dans un pays qui a été l’un des premiers sur le continent à bénéficier de l’arrivée de la fibre optique au début des années 2000, avec la construction du pipeline Tchad-Cameroun, les progrès de l’internet sont parmi les plus lents du continent.
Bref, on arrive a la conclusion que certaines mentalités anti-développement héritées de l’administration néocoloniale des débuts de l’indépendance restent encrées, dont particulièrement la corruption, qu’elles constituent des freins au progrès du numérique. Elles sont tellement encrées dans les mœurs que leur disparition mettrait en danger de nombreuses rentes acquises devenue au fil du temps l’une des garanties de la stabilité du système gouvernant.