Accusée de surfacturation sur un chantier routier au Gabon et pour éviter une condamnation pour complicité de détournement de deniers publics, une entreprise française vient d’être condamnée à construire et à bitumer 9,5 km de route supplémentaire. Plus précisément, pour compenser la surfacturation effectuée sur les travaux de rénovation de la route PK5-PK12, sur l’unique voie qui relie Libreville au reste du pays, le groupe français de BTP, Colas, filiale de Bouygues, va prendre à sa charge les travaux de construction et de bitumage de 9,5 km de route au Gabon. L’information a fait la une des journaux gabonais la semaine dernière, relayant une source à la présidence de la République.
Il s’agit-là d’un pragmatisme à l’anglosaxonne pas très courant en Afrique francophone. D’ailleurs, cette mesure rejoint une série d’autres récentes comme la candidature du Gabon au Commonwealth, la nomination d’un anglais au ministère des Eaux, de la forêt, de la mer et de l’environnement pour profiter du know-how anglosaxonne dans la protection de la nature, qui montrent que notre voisin du sud est de plus en plus attiré par la culture anglosaxonne qui au regard du paysage géoponique africain actuel, semble mieux se prêter au développement que la francophonie. Tout cela, au moment où le Cameroun détruit sa chance historique du biculturalisme francophone et anglosaxonne dans une guerre civile atroce, juste pour défendre les intérêts d’un régime moribond qui veut conserver la pouvoir a tout prix malgré 40 ans d’échecs.
Par cette acte le Gabon nous parle. Il nous rappelle que dans le délit de corruption, le corrompu et le corrupteur partagent le même degré de responsabilité et devraient être solidairement responsables des dommages qui en découlent. Ainsi en cas de condamnation pour fait de corruption, l’Etat devrait se retourner vers les deux pour la récupération des fonds distraits. Prenons l’exemple des milliards détournés dans les chantiers de la Can, les multiples projets routiers et infrastructurels, les marchés de fournitures a l’Etat, si le gouvernement engageait la responsabilité des entreprises impliqués dans ces différents scandales, il est certain qu’il aurait déjà récupéré une bonne partie des fonds détournés aussi bien en espèces qu’en nature comme dans le cas gabonais.
Malheureusement, jusqu’ici au Cameroun le gouvernement continue a maintenir le flou dans sa volonté de lutter contre la corruption. Non seulement le projet de loi sur la corruption continue a dormir dans les tiroirs du Premier Ministère depuis 2008, non seulement le Président de la République traine à prendre un décret pour appliquer la loi de 2006 sur la déclaration des biens de l’article 66 de la constitution de 1996, mais les dispositions légales existantes et en particulier le code pénal, se préoccupent surtout des peines privatives de liberté plutôt que du remboursement des fonds distraits. Conséquence, une majorité de camerounais est convaincue que l’opération Epervier ne sert au régime qu’à régler ses comptes politiques et nullement a protéger la fortune publique.