Victime de la malgouvernance du régime, le partenariat public-privé (PPP) est condamné à l’échec.

Tout comme pour le document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) lancé en 2009 et dont l’échec a été consacré en 2019, le gouvernement base la réussite de la Stratégie Nationale de Développement-Cameroun 2030 (SND30) qui l’a remplacé en 2020 entre autres sur le partenariat public-privé (PPP).

Cette expression désigne un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public ou des usagers du service qu’il gère. Ce mode de financement est une excroissance de la notion de concession de service public et est entre dans les mœurs économiques a parti de la 2e moitié du XXe siècle et a connu beaucoup de succès dans des pays qui l‘ont essayé.

C’est probablement fort de tout cela que le gouvernement camerounais a décidé de le mettre en pratique. A la suite de l’Etat, certaines collectivités territoriales décentralisées, dans le cadre de la nouvelle loi qui les régente, s’y sont déjà lancées. C’est le cas des villes de Yaoundé et de Douala. Le Conseil régional de l’Ouest en fait actuellement la promotion, surtout en direction de la diaspora. La plupart échouent les unes après les autres tandis que les démarches pour renouer de nouveaux, restent pour la plupart infructueuses. 

Pour les échecs, la liste se rallonge tous les jours. On peut citer pêle-mêle le partenariat entre la société Stecy (Société de Transports et Equipements Collectifs de Yaoundé) et la ville de Yaounde ; celui entre la ville de Douala et la société Neo-Industry pour la construction du marché Congo à Douala ; celui entre l’Etat et le 3LP pour la construction du pipeline Limbe-Douala et le ravitaillement des métropoles en produits pétroliers raffines ; celui signé en 2017 entre la banque d’affaires Financia Capital et la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), pour la construction de l’hôtel Radisson Blu Hôtel & Apartment de Douala, résilié en début d’année 2023 etc

Quant aux projets qui peinent à prendre corps, on peut citer la deuxième phase de l’autoroute Douala-Yaoundé, dont l’appel d’offres lancé depuis plus de deux ans, n’arrive toujours pas à trouver preneur, ou la construction de 14 péages automatiques sur des routes qui n’existent pratiquement plus. Le seul projet qui semble totalement réalisé et lancé à ce jour est le bout d’autoroute Kribi-Lolabe (38 km) sur le projet Kribi-Edéa, alors que la deuxième phase, tout comme pour l’autoroute Yaoundé-Douala, semble renvoyée aux calendes grecques. 

Comment expliquer ces échecs qui jettent une ombre sur le partenariat public-privé au Cameroun ? 

Dans son livre « Les partenariats public-privé au Cameroun : état des lieux et esquisse de perspectives pour la modernisation des infrastructures nationales et transnationales », le camerounais Dieudonné Bondoma écrit ceci : « La réalisation d’un projet en PPP ne se décrète pas. Elle est la résultante d’une bonne planification, d’une préparation et d’une analyse minutieuses par les acteurs compétents d’un processus fluide, objectif et transparent. Elle doit s’intégrer dans un cadre légal et institutionnel dépouillé de tout goulot d’étranglement, qui assure une parfaite lisibilité et une bonne prévisibilité à tout investisseur privé ».

A la lecture de ce postulat d’expert, on comprend tout de suite pourquoi le contexte politique camerounais condamne jusqu’ici le PPP à échouer. Ce contexte se résume en la mal gouvernance chronique qui caractérise la politique gouvernementale et qui se traduit par les déficiences mentionnees ci-avant par Dieudonné Bondoma, autant dans la conception et la préparation des projets qu’au niveau leur réalisation, sans oublier les tracasseries administratives et la corruption avec particulièrement les fameuses rétrocommissions. Si on ajoute a tout cela le mauvais climat des affaires qui n’incite pas les opérateurs prives à prendre des risques, la boucle est ainsi bouclée pour assurer l’échec de la stratégie du PPP au Cameroun. 

En fin de compte, le problème n’est pas dans la mise en cause de l’efficience d’une telle stratégie de développement qui a fait ses preuves ailleurs, mais bien dans la nature même du régime politique camerounais qui le condamne éternellement à la médiocrité managériale. Le mal est donc plus profond qu’on ne l’imagine et ne peut été vaincu que si ce régime change ou s’efface.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *