L’imboglio autour de l’actionnariat de Cotco continue

Alors qu’on croyait la hache de guerre enterrée dans le dossier du pétrole tchadien entre le Cameroun et le Tchad, l’imbroglio autour de l’actionnariat de Coco relance les hostilités. Ainsi, la Société nationale des hydrocarbures (SNH), remet en cause la régularité de l’Assemblée générale de la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), l’entreprise en charge de la gestion de la portion camerounaise du pipeline Tchad-Cameroun, tenue le 24 mai 2023 à Paris.

En effet, on se rappelle que selon un communiqué publié le 2 juin 2023 par le ministre tchadien des Hydrocarbures, dont le pays détient désormais 53,7% des actions de Cotco depuis le rachat des actifs de Petronas par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT), cette Assemblée générale a débouché sur la révocation, « avec effet immédiat », des administrateurs de Savannah Energy. 

Une situation que la SNH (actionnaire de Cotco pour le compte de l’État du Cameroun) conteste pour pour un certain nombre de raisons. Premièrement, elle n’a participé à aucune Assemblée générale de Cotco le 24 mai 2023 à Paris, d’autant plus qu’elle n’a reçu aucune convocation signée du président du Conseil d’administration de Cotco, avec comme point inscrit à l’ordre du jour la révocation des administrateurs de SMIL (Savannah Energy) dans Cotco. Ensuite elle précise qu’au cas où une telle Assemblée générale se serait tenue, les résolutions en découlant apparaissent irrégulières, car contraires aux règles statutaires de Cotco, sur la convocation et la tenue des Assemblées générales. Elle a exprimé cette position dans une lettre confidentielle adressée le 2 juin 2023 au ministre tchadien des Hydrocarbures par l’administrateur directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki.

Dans cette lettre et s’appuyant sur la décision de la Commission de la Cemac approuvant le rachat des actifs pétroliers de Petronas au Tchad par la SHT, le patron de la SNH rappelle les engagements pris devant les autorités de la communauté par le Tchad, pour obtenir leur approbation du deal avec l’entreprise malaisienne. « (…) Je note que la République du Tchad a notamment pris les engagements suivants, pour obtenir l’accord de la Cemac : le maintien au Conseil d’administration de la représentation des actionnaires de Cotco ; la limitation à quatre du nombre d’actionnaires tchadiens dans le Conseil d’administration de Cotco ; la désignation par les actionnaires minoritaires des autres administrateurs ; ne pas inscrire à l’ordre du jour des Assemblées générales ordinaires des projets de résolutions qui portent, entre autres, sur la nomination des dirigeants de Cotco, autres que les administrateurs tchadiens ; la rétrocession à la SNH d’une partie des actions de Cotco. La SNH veut croire, à ce stade, que le Tchad entend matérialiser les engagements susvisés », écrit Adolphe Moudiki. Une façon de dire au Tchad que les résolutions de son Assemblée générale ne sont pas conformes à ses engagements.

Rétrocession de 20% d’actions

Il saisit ensuite l’opportunité de ce rappel des engagements, pour formuler une demande de rétrocession au Cameroun de 20% des 53,77% des actifs détenus actuellement par le Tchad dans le capital social de Cotco. Selon les calculs du patron de la SNH, qui dit agir conformément au mandat à lui confié par le président de la République, Paul Biya, cette demande est en droite ligne de la participation initiale du Tchad (5%) et du Cameroun (8,5%) dans le projet de construction du pipeline Tchad-Cameroun dont plus de 90% se trouve sur le territoire camerounais. Au sortir des détails ainsi révélés par Adolphe Moudiki, la SNH devrait détenir 35,17% des parts de Cotco, contre 33,77% pour la République du Tchad et en principe 41,06% pour Savannah Energy. Avec la validation du rachat des 10% de parts réputées acquises par Savannah, conclu en avril dernier, le Cameroun prendrait alors le contrôle de Cotco avec 45,17% de l’actionnariat.   

Enfin, Adolphe Moudiki sollicite de la partie tchadienne, de « veiller à laisser Cotco fonctionner de manière sereine, afin d’éviter qu’une éventuelle crise dans l’actionnariat affecte gravement le fonctionnement de cette société stratégique » pour le Tchad et le Cameroun. 

On attend la réaction du Tchad.

En attendant les réponses du Tchad a toutes ces sollicitations, Adolphe Moudiki a engagé un autre bras de fer en interne, en annonçant dans une lettre du 5 juin 2023 au ministre des Finances, sa décision de destituer sa représentante au conseil d’administration de Cotco, Mme Judith Menguele, pour s’être prononcée contre les intérêts de l’entreprise lors du conseil d’administration du 24 mai 2023 qui s’est tenue à Paris. Une lettre à laquelle le Secrétaire général de la présidence de la République a aussitôt, « sur hautes instructions du Président de la République », répondu le 8 juin 2023 en invitant Adophe Moudiki a surseoir à sa décision et à restituer Mme Menguele dans ses fonctions de membre du conseil d’administration de Cotco. Affaire à suivre.

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